
Radio Unique FM, 94.5, Ottawa
Le JEUDI 24 JANVIER 2019
Radio Unique FM, Ottawa, 94.5 FM
Bonsoir,
Si jamais vous avez le temps d’écouter cette émission…
Avec Diane Laflamme-Millette
À Grouille ou Rouille /
Bonne écoute à
12h00 les jeudis 24 et 31 janvier,
19h00 les jeudis soirs 24 et 31 janvier et
13h00 les samedis 26 janvier et 2 février.
Thème : Lire, lire, lire.
Rien comme la lecture pour nous garder jeune et en santé !
Vous pouvez l’écouter en direct sur le site http://www.lysettebrochu.com/blog-6/files/page15_blog_entry0_1.mp3
QUESTION : Quels sont vos livres inoubliables ?
Dans mon enfance, si les livres de la Comtesse de Ségur m’ont beaucoup intéressée, surtout Les petites filles modèles, je crois que c’est Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll qui m’a le plus fait rêver.
À l’adolescence, A Tale of Two Cities m’a absolument ensorcelée mais je donnerais ma préférence à King Lear de Shakespeare et à l’oeuvre colossale, Les Misérables de Victor Hugo.
Jeune femme, j’ai savouré Thérèse Desqueyroux et Un noeud de vipères de François Mauriac. J’ai alors aussi beaucoup aimé L’étranger de Camus, Les Faux-Monnayeurs de Gide et La religieuse de Diderot.
Mais le jour où j’ai découvert Gabrielle Roy ! Ah ! J’ai voulu lire tous ses livres et même aujourd’hui, je dirais que La Détresse et l’enchantement a été parmi mes lectures préférées. Un plaisir de lecture rare !
J’ai beaucoup ri en lisant Un ange cornu avec des ailes de tôle de Michel Tremblay, j’ai dévoré les livres de Pagnol, La gloire de mon père et Le château de ma mère et Les mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir. Il y en a bien d’autres que je n’oublierai jamais : La première épouse de Françoise Chandernagor, Le voile noir de Anny Duperey, Le monde d'hier de Stefan Zweig, etc.
J’aime aussi beaucoup les biographies : Marguerite Duras de Laure Adler, Fanny Stevenson de Alexandra Lapierre, Mort et vie de Mishima de Henry Scott Stokes, Riopelle de Hélène de Billy, etc.
J’aime lire ! Gilles Archambault, Amélie Nothomb, Abla Farhoud, Herman Hesse etc…
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Deux pensées sur les livres :
1. Il y a des livres dont il faut seulement goûter, dautres quil faut dévorer, d’autres enfin, mais en petit nombre, quil faut, pour ainsi dire, mâcher et digérer.
Sir Francis Bacon
2. Le grand inconvénient des livres nouveaux, c'est qu'ils nous empêchent de lire les anciens.
Joubert
Livres FORTEMENT recommandés lors de l’émission :
1. De Billy, Hélène: Riopelle, Montréal, Art global, 1996, 354 pages BIOGRAPHIE
2. Duperey, Any : Le voile noir, Éditions du Seuil, 1992 RÉCIT BIOGRAPHIQUE
3. Alexandra Lapierre, Fanny Stevenson, Grand prix des lectrices de Elle, 1994 BIOGRAPHIE ROMANCÉE
4. Un ange cornu avec des ailes de tôle, TREMBLAY, MICHEL © LEMEAC 2011 AUTOBIOGRAPHIE
Il faut aussi lire : Les Vues animées, douze récits d'enfance sur la découverte du cinéma. Michel Tremblay ouvre la porte aux souvenirs et commence l'exploration à rebours des moments drôles et tragiques qui ont tracé sa ligne de vie et éveillé ses passions et ses élans nationalistes. Avec Douze coups de théâtre, l'aventure continue : douze instants de théâtralité familiale et personnelle, douze moments d'intimité où les «vrais» personnages du monde de Michel Tremblay entrent en scène et font entendre leurs répliques sonores à propos de la réalité de vivre, dans les années cinquante, sur le Plateau Mont-Royal.
5. Le monde d'hier, Souvenirs d'un européen, par Stefan Zweig, 1982, Éditions Belfond, 700 pages MÉMOIRES/TESTAMENT D’UNE ÉPOQUE
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Rat de bibliothèque
par Lysette Brochu
Enfant, on aurait pu m’oublier sur le seuil d’une bibliothèque publique et j’aurais vite fait d’appeler ce lieu « mon chez nous ». Aussi loin que remontent mes souvenirs, je suis un rat de bibliothèque.
Aujourd’hui, je possède un nombre faramineux de livres, assez pour vivre seule pendant des années entières. Je n’ai pas un caractère irascible, pourtant, si je n’ai pas ma dose quotidienne de lecture pour préserver ma santé mentale, je deviens impatiente et aussi folle que Madame Bovary qui prétendait avoir besoin de tuer les rats qui l’empêchaient de dormir.
Ce plaisir qui vient de la lecture, c’est une enseignante qui m’y a initiée très jeune. Elle nous racontait Alice aux pays des merveilles, Les petites filles modèles, La Belle et la bête et autres histoires créées par des conteurs qui inventent des rêves avec autant de facilité qu’une araignée tisse sa toile. Le conte du joueur de flûte de Hamelin m’a alors tant envoûtée que depuis, je me laisse mener à la noyade. Oui, je me noie dans des flots de phrases et de pages livresques ! Sur ma table de chevet, pareilles aux vagues de la mer, les livres à tout moment prennent la place les uns des autres.
— Viens dormir, tu as les yeux rouges à rester si longtemps devant des pages de mots, me répète mon époux.
Je feins de ne pas comprendre. Je me cramponne de plus belle au livre relié en cuir qui avait un jour appartenu à un inconnu. Trouvé à bon marché dans une boutique de livres d’occasion, j’y découvre des perles précieuses. Il se fait tard, je bâille, mais je vais jusqu’au bout. Seul bruit dans la maison, les pages qui tournent, un bruit qui ressemble à celui d’un rat qui grignote. J’ai parfois le sentiment qu’une vieille femme, vêtue d’une robe de nuit blanche, lit par-dessus mon épaule, debout derrière le fauteuil où je suis assise. Âme qui rôde et qui cherche à relire des morceaux de sa vie. Je la laisse errer, elle me tient compagnie. Enfin, je lis jusqu’au moment où la tête me tourne d’épuisement. Même l’odeur d’un ancien livre qui véhicule encore des croyances vermoulues ne me dérange pas. D’ailleurs, mes prédilections sont souvent pour les écrits d’hier. Des romans-fleuve, romans de cape et d’épée, roman épistolaire, quoi de plus satisfaisant ? Et malgré le fait que je sois poltronne, je peux parfois plonger la tête la première dans un roman noir tout en enfonçant mes ongles dans le tissu du canapé. Ah ! les livres ! Je les aime tous ! Et puis… Non, c’est faux ! Au fil de mes jours, j’ai appris que certains auteurs ne sont guère plus que des rats, bien au-dessous du mépris. Ils ont des opinions tranchées qu’ils ne cachent pas. Aussi, surtout la nuit, je refuse de lire ces livres rares qui, dans une avalanche de propos, peuvent engendrer la haine, la violence ou le meurtre. Pensons au Mein Kampf d’Adolf Hitler qui étale l’idéologie politique du nazisme ou Hit man publié par Paladin press, un livre de recettes pour le tueur à gages. Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des mots et si je suis pour la liberté d’expression, que j’excuse les grossièretés nécessaires à la réussite de certains textes littéraires, j’exerce quand même mon jugement et me porte responsable de ce que je laisse s’introduire dans mon cerveau. Aussi, je donne souvent ma préférence aux livres qui éveillent les grands sentiments.
En lisant, je suis soudainement ailleurs, entrée dans le monde d’un livre. Dans Fanny Stevenson d’Alexandra Lapierre, les aventures de cette brave femme chassent mon ignorance. J’apprends à fendre une noix de coco d’une machette, je hume les parfums floraux des îles tropicales et des orangeraies. Dans Le monde d’hier de Stefan Zweig, j’arpente les rues de Vienne au tournant du vingtième siècle, j’y rencontre la monarchie austro-hongroise et je suis, avec intérêt, l’itinéraire spirituel de cet auteur autrichien. En essuyant mes joues humides, je ferme le roman autobiographique de José-Luis de Vilallonga, Fiesta, en sachant très bien que cette lecture m’a ébranlée, que je ne serai plus jamais la même. Tolstoï, Tchekhov, Primo Levi, Jorge Semprun, Elie Wiesel, Irène Némirovski, Romain Gary, Pagnol, Milan Kundera, Carson McCullers, Jean-Éthier Blais, Ying Chen, Michel Tremblay, ce sont tous mes amis devenus. Assise dans mon fauteuil, café dans une main, leurs écrits dans l’autre, j’ai connu de longues conversations intimes avec eux. Un tête-à-tête avec Hugo, Zola, Gide, Simone de Beauvoir, Sartre, Mauriac, Proust, Yukio Mishima, Marguerite Duras, Gabrielle Roy, Nancy Huston, Luis Sepulveda, Claire Martin, Daniel Poliquin ou Philippe Claudel, c’est lever le voile sur des secrets bien gardés. Ces grands auteurs ont rejoint le chemin de mon âme et certaines de leurs idées se sont insinuées dans mon esprit au point où il m’est arrivé de croire que j’avais écrit le livre que je lisais tant je m’identifiais à leurs propos. Henry Miller dans Les livres de ma vie a établi une liste des livres qui, à quelque titre, ont aidé à la formation de son esprit. J’aimerais bien, un jour, en faire autant.
Lequel as-tu le plus savouré ? me demandent parents et amis. Le meilleur ? Toujours le dernier. Récemment, je viens de lire un autre tome du journal de Julien Green et hier soir, je terminais le dernier-né de Margaret Atwood, deux écrivains dont les écritures sont aux antipodes stylistiquement, mais leurs mots m’ont émue profondément. J’ai glané tant de moments exquis à les lire que je n’ai pas du tout le goût de revenir à la vraie vie. Un bon livre me fait oublier un différend familial, la dureté de la vie ou les inquiétudes du jour. Lire, c’est une escapade, un refuge, des vacances ! La tête pleine de romances langoureuses, je pleure délicieusement. Autres fois, après avoir lu la souffrance profonde d’un prisonnier ou d’un soldat couché dans une tranchée, je me sens être une meilleure personne pour leur avoir donné du temps. Je me promets de ne pas les oublier, de les revisiter. Le lendemain, en choisissant un récit de voyage, un recueil de poèmes, je ne connais plus la peur ni l’angoisse, ni la tristesse. Trop occupée à voyager textuellement pour me plaindre longtemps.
L’amour de la lecture, maladie épidémique ! Je crois que je l’ai transmise à mes petits-enfants. Florence, huit ans, ne jure que par Geronimo Stilton, le rédacteur en chef de l’Écho du rongeur. Camille, sept ans, dévore les livres de Ratatouille, Marc-André, treize ans, se délecte des fables, Le lion et le rat et Le rat de villes et le rat des champs de La Fontaine et Myriam, seize ans, a commencé à lire La peste de Camus.
Je veux vivre et mourir en faisant ce que j’aime le plus. Lire ! Après ? Eh bien, ma conception du ciel est celle d’une grande bibliothèque où des milliers de livres sont exposés devant moi, jusqu’à troubler ma vue. Sous quelques roses grimpantes, une cinquantaine de récamiers pour moi et mes proches. Il fait si bon de partager cette passion avec d’autres. Dans ce club de lecture céleste, les écrivains de partout et de tous les temps se promènent librement et font la promotion de leur œuvre… Nous avons l’éternité pour causer de littérature et pour apprendre. Ah ! Vraiment, ce sera le paradis !
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